Cinéma, livres, podcast… : les conseils culture du « Point » (2024)

Cinéma: des nouvelles de Pol Pot

«Je ne suis pas venu au cinéma parce que Truffaut ou Godardm'ont ébloui mais à cause de mon histoire», nous confiait Rithy Panh à la sortie de son documentaire L'Imagemanquante, en 2013. Voilà pourquoi l'œuvre de cet immense cinéaste – qui avait 10ans à l'arrivée au pouvoir des Khmers rouges – paraît si nécessaire. Depuis Les Gens dela rizière, sorti il y a trente ans tout juste, Rithy Panh alterne fiction et documentaire et fait œuvre de mémoire pour tous les Cambodgiens.

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Rendez-vous avec Pol Pot, sonnouveau film, s'inspire de faits réels: le voyage de lajournaliste Elizabeth Becker dans un Cambodge alors totalement verrouillé, en 1978. Ici, l'Américaine est devenue une Française, Lise (Irène Jacob), qui, avec deux collègues, Alain (Grégoire Colin) et Paul (Cyril Gueï), réalise au «Kampuchéa démocratique» un reportage sous étroite surveillance. Alain a connu Pol Pot à la Sorbonne et se prétend son ami. Dans une scène remarquable, Rithy Panh montre un jeu des Khmers rouges pour humilier l'intellectuel français: on lui bande les yeux et on lui demande de deviner ce qu'il touche…

Il ne comprend rien, bien sûr. La métaphore de l'aveuglement d'une partie de l'intelligentsia française est puissante… Alain ne voit pas que sa chère révolution khmère rouge dissimule un régime génocidaire. Rithy Panh entremêle images documentaires, plans avec des maquettes et des figurines de terre cuite – comme dans L'Image manquante – et scènes jouées par les comédiens. «Il ne faut pas transformer ce que j'ai vécu, ce que les Cambodgiens ont vécu, en spectacle», disait encore le cinéaste en 2013. C'est ce piège qu'il évite une nouvelle fois. Et signe un film qu'on n'oubliera pas.Florence Colombani

Cinéma, livres, podcast…: les conseilsculture du «Point» (1)

«Rendez-vous avec Pol Pot», de Rithy Panh, avecIrène Jacob, Grégoire Colin, Cyril Gueï… (1h52), en salle le 5juin.

Essai: reportage intérieur

Pour une journaliste de Elle, fêtarde et gouailleuse, s'immerger dans une retraite spirituelle revient à plonger un moine bénédictin dans une rave. De ce choc entre le feu et l'eau (vive), Florence Besson tire un récit à la fois épuré et enlevé, profond et drôle, vivant en somme. Après un AVC, la voici propulsée dans le centre spirituel jésuite de Penboc'h, au bord du golfe du Morbihan, pour une semaine de silence. Au début, elle se croit «en cure de désintoxication tellement c'est dur», elle pense que les autres vont lui «jeter des pierres avec leurs yeux».

Maispeu à peu, notant les mouvements de son âme comme le fit au XVIesiècle le fondateur des Jésuites, Ignace de Loyola, ce reportage intérieur la mène sur un chemin qu'elle ne soupçonnait pas, au contact, notamment, d'un prêtre, «homme vaste». Elle avait cru mourir, elle revient à la vie. Avec pour viatique ce préceptede François d'Assise: «Rappelez-vous que lorsque vous quitterez cette terre vous n'emporterez rien de ce que vous avez reçu – uniquement ce que vous avez donné.» Jérôme Cordelier

Cinéma, livres, podcast…: les conseilsculture du «Point» (2)

«Une semaine de silence», de Florence Besson, Flammarion, mars2024, 160pages, 16euros.

Lepoche: une maison en août

Pierre Adrian a 30ans mais il écrit au passé simple («nous fîmes l'amour en silence»), avec un sens quasi maladif de la description qui lui confère quelque chose d'un Proust 3.0qui aurait trouvé la touche «point» sur son clavier. Sa nostalgie est indécrottable, elle lui ferait regretter jusqu'à l'avenir. Cela faisait huit ans qu'il n'était pas retourné dans le fief de Bretagne. Dans «la grande maison», sa «petite grand-mère», la tante Yvonne, Anne, «sa peau si mate qu'elle buvait le soleil sans rien rejeter», et des neveux qui lui rappellent qu'il n'est plus un cousin mais un oncle, qu'il a fini d'être un fils et pas commencé à être un père.

Dans la meute, il n'y a que Jean, 6ans, pour percer le cœur «fainéant» d'Adrian. Entre ces deux-là, l'amour se répand, muet et criant. Et puis survient l'impossible. «Août était le mois qui ressemblait le plus à la vie», écrit Adrian, Jean était comme lui; août a disparu, Jean avec lui. Ce roman est une caresse douce, douloureuse, merveilleuse.Marine de Tilly

Cinéma, livres, podcast…: les conseilsculture du «Point» (3)

«Que reviennent ceux qui sont loin», de Pierre Adrian, Folio, août2022, 208pages, 8,30euros.

Bande dessinée: tragédie à l'italienne

Qui a dit que la BD italienne était moribonde depuis les années glorieuses d'Hugo Pratt ou de Milo Manara? En dignes émules des dynamiteurs Zerocalcare ou Gipi, Emiliano Pagani et Vincenzo Bizzarri dressent, dans Les Ennemis du peuple, le portrait d'une Italie contemporaine déboussolée. Face à la fermeture annoncée de son usine, Fabio est tenté par les sirènes populistes ou le banditisme, alors que Chiara, son ex-compagne, travaille dans un centre d'accueil pour migrants tout en vivant avec Ale, un carabinier désenchanté.

La tragédie prend progressivement forme, avec en guise de coryphée un… dessinateur, dont la BD de fantasy façon Seigneur des anneaux dissimule une authentique lutte des classes. Son projet sera refusé par un éditeur, au prétexte que les batailles sociales qui intéressent désormais les lecteurs «sont celles qui portent sur l'identité de genre ou l'environnement». Le paradis promis à la classe ouvrière est décidément bien loin.Romain Brethes

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«Les Ennemis du peuple», de Pagani et Bizzarri, Glénat, mai2024, 136pages, 22,50euros.

Podcast: secrets de cheveux

Futile, la chevelure? Pas tant que ça, si l'on écoute ce que les artistes ont à en dire… «J'aime me brosser les cheveux, c'est un geste animal», confie la romancière et chroniqueuse mode Sophie Fontanel, qui porte fièrement, depuis quelques années, sa belle chevelure blanche, après des années de teintures malheureuses. Ratages capillaires, secrets transmis de mère en fille, moments de gloire, premiers cheveux gris…

Les cheveux racontent une histoire intime, celle de l'enfance, où les nœuds sont un drame, de l'adolescence, où l'on se cherche, de l'âge adulte, où l'on se trouve, du passage du temps. Leur brillance, leur chute et leur cassure disent tant de nous que la journaliste, critique de théâtre et réalisatrice Judith Sibony leur consacre un podcast: Décoiffures. Recueillant les confidences de différentes personnalités – l'acteur Christian Hecq, de la Comédie-Française, les écrivaines Sophie Fontanel et Nathalie Azoulai…, la joaillière Victoire de Castellane… –, elle arpente avec eux le territoire secret de leur vie, à travers l'histoire de leurs cheveux. Touchant! Élise Lépine

Cinéma, livres, podcast…: les conseilsculture du «Point» (5)

«Décoiffures», podcast en cinq épisodes disponible sur Spotify.

Le coin du polar: ombres et lumière du Groenland

«Tout le monde m'appelle Panik», dit-elle. Mais son vrai nom est Paninguaq Madsen. Prénom inuit, patronyme danois pour cette sage-femme itinérante que l'on nomme, au Groenland, sanaji, «celle qui fabrique». Mais ce qui se fabrique dans ce bout du monde est une tragédie. Une jeune femme est retrouvée morte. Elle vient d'accoucher. Sa gorge a été tranchée, son bébé emporté. Deux flics se penchent sur le drame. Tous les soupçons convergent vers Paninguaq…

Avec une délicatesse de plume à faire fondre la banquise, Mo Malo, Français au pseudonyme ultrapolaire, écrit le quatrième tome de sa série consacrée au Grand Nord, un polar obsédant sur les splendeurs et les démons du Groenland. Cette île-monde est hantée par un cauchemar, hélas réel, qui tire ce roman vers les nuits éternelles de l'histoire coloniale: l'enlèvement, en 1951, d'une vingtaine d'enfants inuits destinés à être «civilisés» au Danemark. Entre ténèbres et lumière, Malo nous éblouit encore une fois. E.L.

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«L'Inuite», de Mo Malo, La Martinière, avril2024, 416pages, 22euros.

Et aussi

Cinéma: «La Belle de Gaza».La belle? Une femme trans, aperçue dans une rue de Tel-Aviv lors du tournage de M (précédent documentaire de Yolande Zauberman) et qui serait venue de Gaza à Tel-Aviv à pied, a inspiré ce film présenté au Festival de Cannes qui montre tout endélicatesse les trajets et lesvies des femmes trans d'origine palestinienne. En salle.

Série «The Actor».Grand prix du festival Séries Mania en 2023, cette comédie noire est la première série iranienne diffusée à l'international. Deux acteurs fauchés, mais talentueux, se démènent pour payer le loyer de leur modeste théâtre en réalisant des performances pour toutessortes de célébrations, jusqu'à accepter de travailler pour un cabinet de détective privé… Disponible sur Arte.

Expositions Matisse et Kelly.Émotion forte à pénétrer le dernier atelier du peintre Henri Matisse, à Issy-les-Moulineaux, reconstitué à partir de la toile acquise par le MoMA en 1949. Visite intime, au contraire, de la rétrospective Ellsworth Kelly qui joue des formes et des couleurs. Ce jaune à même le sol, les cartes postales plantées dans les paysages… Et le cyclamen qui inspira les deux artistes. Fondation Louis-Vuitton, jusqu'au 9septembre.

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Author: Greg Kuvalis

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